Le psoriasis inversé n’est pas très fréquent. Cependant, ce psoriasis situé dans les plis inguinaux, au niveau des aisselles, du nombril, du sillon inter-fessier, sous les seins, etc. peut être très invalidant, voire affreusement douloureux ! Il est souvent synonyme d’exclusion sociale. Le Docteur Françoise Guiot, dermatologue à Grez-Doiceau, explique comment elle traite les personnes atteintes de psoriasis inversé en consultation. Découvrez également le témoignage exclusif de Léa, une fonctionnaire bruxelloise âgée de 40 ans, qui souffre depuis de nombreuses années de psoriasis inversé. Elle met en garde contre les surinfections fongiques (champignons) et insiste sur la difficulté de trouver LE traitement qui donne des résultats probants pour vivre de façon ‘normale’.

Barbara Simon

Interview du Docteur Françoise Guiot – Dermatologue à Grez-Doiceau

Comment abordez-vous le psoriasis inversé en consultation ?

« Il faut garder à l’esprit que ce type de psoriasis n’est pas ultra-fréquent. En effet, ce n’est pas la forme de psoriasis la plus connue. Cependant, il faut savoir que certaines personnes ne souffrent que de cette forme-là, et de façon très invalidante. En consultation, il faut l’aborder avec psychologie, douceur et tact. En effet, il a un impact psycho-social particulièrement important et peut-être très gênant car parfois très érosif, suintant. Les relations sexuelles, la pratique d’un sport, les activités en plein air ou à la plage avec une partie du corps dénudée peuvent être particulièrement pénibles à vivre en cas de psoriasis inversé !»

Quel est le traitement de choix ?

« Le psoriasis inversé, surtout chez les personnes qui ne souffrent que de cette forme-là, ne donne bien souvent pas droit aux biothérapies. Le traitement de référence reste, en première instance, les applications topiques, locales : les dermocorticoïdes. Il faut bien entendu y ajouter – selon la localisation, les plis, etc. – des mesures d’hygiène supplémentaires pour éviter, entre autres, des formes suintantes avec des risques d’infections bactériennes ou encore l’apparition de champignons qu’il conviendra de traiter avec des antifongiques locaux ou oraux. Les deux objectifs essentiels sont d’éviter d’avoir des zones érosives, suintantes et de la macération. L’ennemi numéro UN du psoriasis inversé reste la macération. Il conviendra de privilégier des vêtements et de la lingerie en fibres naturelles. Le coton a la cote. Le port de vêtements confortables, amples, en coton sera conseillé. Selon la localisation, pas de frottement ni de station assise prolongée, etc. Je prescris souvent du Trigopax™, qui est un peu l’équivalent du talc en crème. Ce produit bénéficie non seulement d’une action asséchante mais aussi de propriétés un peu anti-inflammatoires. Je recommande, généralement, l’application de ce type de crème en journée, surtout à cause des risques plus importants de transpiration, et l’utilisation d’un dermocorticoïde classique le soir. La vigilance avec les dermocorticoïdes reste, toutefois, de mise et il faut en aviser les patients. Chez les personnes en proie à des formes plus sévères, avec des intertrigos (des macérations cutanées dans les zones de plis provoquées par l’humidité et/ou une infection), il conviendra de prescrire des traitements systémiques, c’est-à-dire des traitements comme de la ciclosporine ou du méthotrexate. Il convient, néanmoins, de signaler que si le patient souffre d’un psoriasis inversé associé à une autre forme de psoriasis, en plaques, par exemple, il aura de fortes chances de pouvoir avoir accès à une biothérapie. Sinon, il reste bien entendu également le fumarate de diméthyle. Cela permet aux médecins de prescrire ce traitement avec des PASI qui sont moins importants qu’avec les biothérapies. C’est une alternative thérapeutique appréciable. »

Le psoriasis inversé est-il bien connu des généralistes et/ou des dermatologues, voire du grand public ?

« Il est assez rare. Il est, toutefois, bien connu des dermatologues. Ce n’est, cependant, pas toujours le cas des généralistes, voire des gynécologues ou autres, qui peuvent le confondre avec une mycose. À leur décharge, il faut rappeler que le psoriasis inversé n’est pas synonyme de squames. Le psoriasis inversé peut donc souvent faire l’objet d’une erreur de diagnostic. Je pense qu’une communication de la part des associations de patients comme la vôtre, mais également des sites Internet de l’industrie pharmaceutique, devrait vraiment mettre l’accent sur toutes les formes de psoriasis existantes et pas seulement sur le psoriasis en plaques, celui du cuir chevelu ou encore sur l’arthrite psoriasique. Le psoriasis inversé reste encore trop souvent méconnu ! »

Témoignage-patiente

Léa, une fonctionnaire bruxelloise âgée de 40 ans, souffre depuis de nombreuses années de psoriasis inversé.

Quand les symptômes se sont-ils manifestés pour la première fois ?

 

« Je devais avoir 10-11 ans. Un beau jour, sans raison particulière, j’ai été couverte de la tête aux pieds de gouttelettes, sauf sur le visage. Mes parents m’ont amenée ensuite consulter une dermatologue. Le diagnostic a été une première fois mal posé. Cette dernière a d’abord recommandé d’appliquer du Mercurochrome autour de chaque plaque pour éviter que la crème utilisée ne déborde, ce qui a eu pour résultat d’irriter davantage les plaques. Par la suite, lors d’une autre consultation, le diagnostic du psoriasis est tombé. Il convient de rappeler qu’il y a 30 ans, le psoriasis n’était pas pris en charge comme il l’est de nos jours, que cette pathologie était peu ou pas connue, ni des médecins, ni du grand public. On m’a prescrit des bains à base d’un dérivé de goudron (ce produit est désormais interdit en Belgique mais encore disponible, par exemple, en Espagne) et cela a immédiatement soulagé les démangeaisons et réduit les plaques. Mais l’odeur de ce produit était très forte. Par la suite, et sans aucune explication, j’ai été débarrassée de toute crise de psoriasis pendant une bonne dizaine d’années. »

Et que s’est-il passé ensuite ?

« Depuis mes 21-22 ans, je souffre de façon irrégulière, de pics ou crises de psoriasis inversé, juste sur le crâne et le pli inter-fessier. C’est, heureusement, assez sporadique. Cela peut survenir demain comme dans un mois. Les pics sont plus ou moins sévères. C’est réellement au cas par cas. Quand le stress diminue, quand l’air ambiant est moins humide, je ressens immédiatement un mieux-être. En hiver, dès que l’on est davantage à l’intérieur, les symptômes sont plus fréquents et les crises peuvent davantage se manifester. »

Y a-t-il des facteurs déclenchants ?

« Je souffre d’un psoriasis inversé au niveau du pli inter-fessier et également au niveau du cuir chevelu. Rien ailleurs. Au niveau du cuir chevelu, cela se manifeste surtout par d’importantes démangeaisons. Au niveau du pli inter-fessier, c’est parfois plus gênant, surtout plus inconfortable et invalidant. Le stress, même de simples contrariétés quotidiennes comme tout le monde en connaît, peut déclencher une crise. Je me souviens d’une fête de mariage où il faisait particulièrement chaud, en espace clos et où j’avais passé une grande partie de la journée assise (faute de place) sur un tabouret en plastique. L’air y était humide, surchauffé. Ajoutez à cela le port d’une robe en matière synthétique et il est facile de comprendre que j’ai vraiment vécu un enfer. En fin de journée, je ne parvenais plus à rester assise. Je n’avais plus de peau au pli inter-fessier. J’avais deux zones à vif qui ne cessaient de se toucher. C’était horrible. Je devais avoir 24 ans à l’époque. Les jours qui ont suivi étaient très pénibles. J’ai été chez mon pharmacien de quartier : je me rappelle lui avoir expliqué ce dont je souffrais. Il m’a regardé ébahi. À ses yeux, je souffrais d’un érythème fessier (à l’âge adulte) dû à un manque d’hygiène ! En hiver, si je porte des vêtements en matière synthétique, la situation peut vite devenir pénible en cas de pics. Un manque d’aération, l’air ambiant surchauffé, le taux d’humidité élevé, le stress, le port de (sous)-vêtements en matière synthétique sont des éléments qui peuvent jouer un rôle important. »

Quelles mesures préventives prenez-vous au quotidien ?

« Je ne prends pas d’anxiolytiques ni d’autres médicaments pour gérer le stress car je ne suis ni dépressive, ni anxieuse. J’évite les sièges en plastique, en simili cuir… les voyages en avion ou en train qui seraient trop longs. Je ne porte plus de lingerie en matière synthétique : que du coton ou des matières aérées, confortables. Idem pour les pantalons, robes, leggings, etc. Tout en fibres naturelles. Les tissus synthétiques sont à proscrire. Lors des pics, j’évite bien entendu de planifier une activité sportive ou de loisirs, voire professionnelle, qui impliquerait une station assise prolongée sur un siège à risque pour moi. Au niveau du cuir chevelu, j’opte pour des shampooings doux, pas ou peu irritants. Comme pour les bébés. »

 Etes-vous suivie par un dermatologue et quels traitements recevez-vous ?

« Je suis une élève indisciplinée, car je ne suis pas suivie par un dermatologue de façon régulière. Vu la localisation de mon psoriasis inversé, je sais que je n’ai pas droit ni besoin de biothérapies, ni de traitements oraux ou par injections au long court. En effet, je fais des micro-pics. Lors de ces pics ou en cas de nécessité, je consulte bien entendu un généraliste ou un dermatologue. J’applique régulièrement en cas de pic sur le pli inter-fessier des crèmes hydratantes ultra-douces, comme celles que l’on utilise pour les érythèmes fessiers des bébés. Et en cas de besoin, de temps en temps – mais pas trop souvent car ce n’est pas dénué d’effets secondaires – une crème corticoïde (à base de cortisone). Cela donne de bons résultats même si ce n’est, vu la localisation inter-fessière, pas toujours facile à appliquer et à supporter au quotidien, surtout lorsqu’il fait chaud. Il faut impérativement éviter la macération mais aussi les surinfections, qu’elles soient bactériennes ou surtout fongiques. Il m’est arrivé d’avoir un champignon qui était venu se greffer sur le psoriasis situé au pli inter-fessier. Un traitement local antifongique après prélèvement effectué chez le dermatologue et culture a, heureusement, vite mis fin à ce qui aurait pu devenir un cercle vicieux. Je n’ai pas dû avoir recours à des antifongiques par voie orale mais encore trop de personnes ignorent que des champignons (mycoses) peuvent coloniser les zones des plis déjà fragilisées et fines en cas de psoriasis inversé. Heureusement, je peux passer des mois sans pics et puis parfois cela dure plusieurs semaines, me faisant craindre que cela ne devienne chronique, avant que cela ne se calme. »